Franchisés avertis et profanes (Com. 5 janvier 2016, n°14-15.700 à 14-15.708 et 14-15.710)

Par une série de dix arrêts (Com. 5 janvier 2016, n°14-15.700 à 14-15.708 et 14-15.710) concernant le réseau de franchise « ASSURTIS », spécialisé dans le conseil en assurance et en crédit, la Cour de cassation revient sur la problématique de l’information précontractuelle due par le franchiseur. Il était ici notamment reproché à la tête de réseau de n’avoir pas fourni aux candidats à la franchise une présentation de l’état général et local du marché, ainsi que l’obligation lui en est faite par les articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce. La Cour d’appel de Paris, par arrêts en date du 19 février 2014, avait refusé de faire droit aux prétentions des franchisés, estimant que l’expérience professionnelle passée des candidats à la franchise leur permettait, au moment de la conclusion des contrats, d’avoir une bonne connaissance du marché local.

On lit en creux dans la motivation de la Cour d’appel la règle dégagée de longue date par la jurisprudence au terme de laquelle la nullité du contrat pour violation de l’article L. 330-3 n’est encourue qu’à condition que le défaut d’information ait eu pour effet de vicier le consentement du cocontractant (Com. 10 février 1998, n°95-21.906, Bull. civ. IV, n°71 : D. 1998 somm. 334, obs. Ferrier, CCC 1998, n°55, obs. Leveneur ; v. déjà T. com. Paris, 22 mars 1993 : D. 1994 somm. 281, obs. Hassler). Il convient donc d’apprécier, in concreto, si l’absence des informations litigieuses a, ou non, été déterminant pour le franchisé. Tel n’était pas le cas de certains des franchisés ASSURTIS qui avaient déjà exercé la profession de courtier en assurance sur le territoire qui leur était concédé en franchise. Ces derniers connaissaient ainsi fort bien le « marché local », sans avoir besoin du secours du franchiseur. A l’inverse, la Cour de cassation censure à six reprises les magistrats parisiens, dans les affaires (n°14-15.700, 14-15.703, 14-15.704, 14-15.706, 14-15.707, 14-15.708) pour lesquelles l’expérience passée des candidats à la franchise était discutable ou insuffisamment caractérisée. Il convient donc de distinguer, pour l’application de l’article L. 330-3, entre « franchisés avertis », qui connaissent à la fois l’activité proposée et le secteur concédé, et « franchisés profanes », qui ignorent l’un ou l’autre.

La Cour d’appel de Paris pourra cependant utilement rappeler, dans les six affaires qui lui seront renvoyées, que la sanction sollicitée par les franchisés (résiliation du contrat aux torts du franchiseur et dommages et intérêts) apparaît pour le moins inappropriée s’agissant d’un manquement à une obligation d’information précontractuelle (Com. 12 février 2008, n°07-10.462), qui doit en principe déboucher sur la nullité du contrat (v. cependant Paris, 17 janvier 1992 : D. 1992 IR 101, ou Com., 6 mai 2003, n°01-00.515 : RJDA 2003, n°1169).

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