Rendu quelques jours avant une décision remarquée de la Cour de cassation concernant la SPA , cet arrêt de la Cour d’appel de Dijon du 21 mai 2016 témoigne de l’attraction croissante qu’exerce la notion de clause abusive sur le droit positif. Naturellement, le droit équin n’échappe pas à la règle. C’est ici à propos d’un contrat d’exploitation, conclu entre les Écuries du Karo et Mme Hoquet, propriétaire d’Othar des Brumes, que fait irruption l’article L. 132-1 du code de la consommation, devenu depuis l’article L. 212-1 du même code .
On n’abordera pas dans le cadre de ces brèves observations la question, accessoire, de l’identité du cocontractant de la propriétaire — s’agissait-il de la SARL Écurie du Karo, personne morale, ou de M. Rodolphe Sarrazin, personne physique, associé et salarié de ladite société ? —, sur laquelle la rédaction plus que maladroite du contrat pouvait laisser un doute. L’affaire soulevait en revanche deux problématiques plus fondamentales : le contrat d’exploitation litigieux entrait-il dans le champ d’application du code de la consommation ? dans l’affirmative, la clause prévoyant que la propriétaire serait redevable d’une commission quand bien même elle vendrait le cheval par elle-même, dans un délai de 24 mois après la résiliation du contrat, pouvait-elle être qualifiée d’abusive ?
À la première de ces interrogations, la Cour d’appel répond sans hésitations positivement. Le fait que la propriétaire ne soit « pas novice en matière de chevaux comme pratiquant l’équitation depuis de nombreuses années » n’autorise pas à lui dénier la qualité de consommateur. Le critère de qualification réside dans la place occupée au sein du circuit économique par le cocontractant, non dans ses compétences ou connaissances. Rappelons que le code de la consommation définit désormais dans un article liminaire le consommateur comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ». Bien que la qualification de consommateur en matière équine soit parfois délicate , tel était manifestement le cas de Mme Hoquet dont l’activité professionnelle était parfaitement étrangère au domaine du cheval. De même, l’Écurie du Karo devait-elle à l’évidence être qualifiée de professionnel, si bien que l’article L. 132-1 du code de la consommation était sans discussion possible applicable au contrat d’exploitation litigieux .
Restait à trancher le caractère abusif ou non de la clause querellée. Que l’écurie touchât une commission en cas de vente du cheval postérieurement à la résiliation du contrat d’exploitation, y compris dans l’hypothèse d’une vente par la propriétaire elle-même pouvait, en soi, se concevoir. Le travail réalisé en amont sur le cheval avait probablement favorisé cette vente, auxquels les efforts de l’écurie n’étaient donc pas étrangers. Partant, il est permis de penser qu’il n’y avait rien de « significativement déséquilibré » à ce que ces efforts soient rétribués. Le caractère abusif de la clause se déduit en l’espèce de ce que la commission prévue en cas de vente par la propriétaire est « rigoureusement égale à celle qui aurait été due au cas où, ce contrat s’étant poursuivi, la vente du cheval était intervenue par l’entremise de la société Écurie du Karo ». La Cour, soucieuse de fonder son argumentation sur l’une des présomptions irréfragables de l’article R. 132-1 , relève en outre qu’au terme des stipulations contractuelles, la résiliation ne pouvait avoir pour cause que les carences du professionnel, si bien que le paiement d’une commission par la propriétaire postérieurement à cette résiliation impliquait l’exécution par celle-ci de ses obligations alors même que le professionnel aurait été défaillant dans l’accomplissement des siennes. Le caractère significativement déséquilibré de la clause ne faisait donc aucun doute. Celle-ci est réputée non écrite privant ainsi le professionnel de toute commission. Il est va en droit des contrats comme à cheval : toute perte d’équilibre est sévèrement sanctionnée…