L’arrêt rendu le 26 septembre 2018 (Cass. Com., 26 septembre 2018, n° 16-28.133) par la Chambre commerciale de la Cour de cassation mérite d’être relevé à deux égards. Sur le plan formel tout d’abord, la décision témoigne de ce que la distinction, pourtant bien connue, entre concurrence déloyale et clause de non-concurrence n’est pas toujours bien comprise. Ainsi, les demandeurs au pourvoi faisaient en l’espèce grief à l’arrêt d’appel « de rejeter leur demande formée sur le fondement de la concurrence déloyale alors qu’un préjudice s’infère nécessairement de la violation d’une clause de non-concurrence, génératrice d’un trouble commercial ».
La rédaction du moyen a ainsi de quoi laisser plus que perplexe… Sur le fond, la question posée aux juges du droit était cependant intéressante. Il était soutenu que la violation d’une clause de non-concurrence devait nécessairement donner lieu à l’octroi au créancier de dommages et intérêts, quand bien même celui-ci serait dans l’incapacité de chiffrer le préjudice en découlant. On se souvient que l’ancien article 1145 du code civil, applicable en l’espèce, disposait : « si l’obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit des dommages et intérêts par le seul fait de la contravention. » La première chambre civile avait fait une application remarquée de cette règle à la violation d’une clause de non-concurrence par deux arrêts, rendus en 2005 (Civ. 1re, 10 mai 2005, n° 02-15.910, Bull. civ. I, n° 201, Defrénois2005. 1247, obs. J.-L. Aubert, RTD civ.2005. 600, obs. P. Jourdain, CCC 2005, comm. 84, obs. L. Leveneur, RDC 2006. 326, obs. D. Mazeaud, RTD civ. 2005. 594, obs. J. Mestre et B. Fages, JCP 2006. I. 111, nos 3 et s., obs. Ph. Stoffel-Munck) et 2007 (Cass. Civ. 1re, 31 mai 2007, n° 05-19.978, Bull. civ. I, n° 212, D. 2007, pan. 2966, obs. S. Amrani Mekki et B. Fauvarque-Cosson, RTD civ. 2007. 568, obs. B. Fages, D. 2007, AJ 1725, obs. I. Gallmeister, D. 2008, pan. 248, obs. M. Gomy, RTD civ. 2007. 776, obs. P. Jourdain, CCC2007, comm. 230, obs. L. Leveneur, D. 2007. 2784, note C. Lisanti, JCP 2007. I. 185, obs. Ph. Stoffel-Munck). Tenant peut-être compte de l’abandon par le nouveau droit des obligations de la règle posée par l’ancien article 1145, la chambre commerciale rompt avec cette jurisprudence : faute de rapporter la preuve d’un préjudice découlant de la violation de la clause, le créancier de non-concurrence ne peut prétendre à aucune indemnisation.