Le prêt à usage, anciennement dénommé commodat est le contrat par lequel « une des parties livre une chose à l’autre pour s’en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s’en être servi » . La définition même de ce contrat, que la doctrine qualifie parfois de contrat de restitution , rend centrale la problématique de l’état de la chose – ou de l’animal – prêté.
Comme dans toute convention emportant un transfert de jouissance, les conflits apparaissent généralement lorsque l’état au moment de la restitution ne correspond pas avec celui, présumé ou constaté, lors de la conclusion du contrat. L’arrêt rendu le 4 avril dernier par la Cour d’appel d’Angers ne fait que rappeler les principales règles en cas de détérioration de la chose prêtée :
1. C’est au prêteur, en tant que demandeur à l’action, d’établir que la détérioration s’est produite durant le prêt .
2. En pareil cas, la responsabilité de l’emprunteur est présumée, celui-ci étant donc a priori responsable de la détérioration .
3. L’emprunteur peut toutefois s’exonérer de sa responsabilité en démontrant que la détérioration a été causée :
a. soit par cas fortuit ;
b. soit qu’elle est la conséquence de l’usage pour lequel la chose a été empruntée, sans faute de sa part .
La jument prêtée par les époux A. aux époux F. présentait en l’espèce lors de sa restitution une tendinite chronique superficielle du doigt des deux membres antérieurs. La Cour, se fondant sur les conclusions de l’expertise judiciaire, estime qu’« il n’apparaît pas établi que la tendinite du membre inférieur gauche soit survenue pendant que Rubi de Lachem était confiée aux époux F. ». En revanche, la tendinite de l’antérieur droit avait été considérée par l’expert comme ne pouvant « avoir une ancienneté supérieure à trois mois », démontrant ainsi qu’elle était survenue pendant le prêt.
La responsabilité des emprunteurs quant à la survenance de la tendinite de l’antérieur droit était donc présumée. L’existence d’un cas de force majeure étant en l’espèce hors de propos, il ne restait aux époux F. comme seul moyen d’échapper à une condamnation que de démontrer qu’ils avaient fait un usage conforme à celui initialement convenu et n’avaient commis aucune faute dans l’utilisation de la jument. C’est sur ce point que se concentre l’essentiel de la décision.
Le contrat de prêt comportait notamment une clause rédigée en ces termes : « Il sera laissé, autant de fois que possible, une période sans concours complet de trois semaines entre deux CCE. » Or, au printemps 2011, Rubi de Lachem avait participé à quatre compétitions espacées chacune de six à sept jours. En dépit du caractère plus incitatif qu’impératif de la clause précitée, il n’en faut pas davantage à la Cour d’appel pour estimer que les emprunteurs ont « non seulement méconnu le délai prévu au contrat, […] mais également les règles à observer par un cavalier normalement prudent et diligent ». Les emprunteurs échouent donc à démontrer leur absence de faute et sont condamnés à indemniser le préjudice subi par les prêteurs, dont le quantum est légèrement revu à la baisse en cause d’appel. Ainsi, le standard fixé quant à ce qui est attendu du « cavalier normalement prudent et diligent » – ou, pour le dire autrement, du « bon père de famille » en matière équestre – peut apparaître exigeant. Les amateurs de chevaux ne pourront néanmoins que s’en réjouir.