Trublion du droit des contrats, le contrat de franchise a ces dernières années maintes fois bousculé les solutions bicentenaires du Titre III du Livre III du code civil. Sa singularité a permis à la jurisprudence d’affirmer des solutions souvent audacieuses, parfois contestables, dans des domaines aussi divers que la théorie des vices du consentement , de l’obligation d’information précontractuelle , de la détermination du prix , de l’illicéité de la cause , ou encore des quasi-contrats . Régulièrement, la Cour de cassation est venue puiser dans le contrat de franchise comme à la fontaine de jouvence, en quête d’une régénération perpétuelle de notre droit des obligations. Si la contribution de cette figure contractuelle si particulière à la formation du droit commun a de quoi ravir les spécialistes, elle témoigne toutefois aussi de la relative inadaptation des règles actuelles aux contrats de distribution « modernes », nés pour l’essentiel de la pratique à la fin du 20e siècle. L’abondance de la jurisprudence en la matière atteste par ailleurs d’une relative insécurité juridique qui peut, à juste titre, inquiéter praticiens et acteurs économiques du secteur. Forts de ces constats, certains réseaux n’hésitent plus à insérer dans leurs conventions des clauses soumettant le contrat à une loi étrangère, le plus souvent couplées à des clauses compromissoires.
Quiconque s’intéresse à la franchise ne peut donc que partager les ambitions du législateur lorsqu’il indique que le projet de réforme du droit des contrats vise à « répondre à l’objectif constitutionnel d’intelligibilité de la loi », ainsi qu’à « renforcer la sécurité juridique, tout en contribuant au rayonnement et à l’attractivité du système juridique français » . Le projet d’ordonnance mis en ligne par la Chancellerie est-il à la hauteur ces ambitions ? Comme l’ont relevé la plupart de ses commentateurs , le texte consiste pour l’essentiel à une consolidation de solutions prétoriennes acquises depuis plusieurs années, dont certaines d’ailleurs ont été dégagées à propos de contrat de franchise . Quant aux innovations les plus notables que contient le projet d’ordonnance (imprévision, disparition de la cause), il est permis de penser qu’elles n’affecteront pas singulièrement la franchise, en tout cas pas davantage que d’autres contrats du même ordre, synallagmatiques et à exécution successive.
Il serait toutefois imprudent de s’en tenir à ce constat : la future réforme est de nature à influer considérablement sur l’économie des relations franchiseur-franchisé. Bien qu’il soit difficile d’anticiper quel usage praticiens et tribunaux feront de cette nouvelle donne, il semble que plusieurs lignes de force se dégagent. La première et la plus évidente témoigne de la volonté de davantage lutter contre les figures contractuelles inégalitaires. Cette ambition était d’ailleurs clairement affirmée dans la loi d’habilitation qui enjoignait l’exécutif d’introduire « des dispositions permettant de sanctionner le comportement d’une partie qui abuse de la situation de faiblesse de l’autre » tout en accordant une place spécifique à la notion de « contrat d’adhésion ». Le premier impact attendu de la réforme est donc de renforcer les exigences relatives à l’équilibre contractuel (I). Plus inattendue, et à contrepied de ce que certaines dispositions pourraient faire craindre , la seconde incidence du projet de réforme sur le contrat de franchise pourrait être un renforcement du lien contractuel dont quelques aspects du texte sont susceptibles d’accroître la pérennité (II).
I. La réforme du droit des contrats et l’équilibre du contrat de franchise
Le souci du projet de donner au droit commun les moyens de lutter efficacement contre les abus pouvant découler d’une situation économique déséquilibrée se manifeste tant au stade de la conclusion du contrat (A) que de son exécution (B).
A. L’équilibre dans la conclusion du contrat de franchise
Le contrat de franchise, contrat d’adhésion. – Conclusion ne rimant pas toujours avec négociation, l’article 1108 du projet reprend la distinction classiquement opérée par la doctrine entre contrat de gré à gré et contrat d’adhésion « dont les stipulations essentielles, soustraites à la libre discussion, ont été déterminées par l’une des parties ». Nul ne contestera que le contrat de franchise offrirait un bon exemple de contrat répondant à la seconde catégorie, illustrant en cela la célèbre formule de Denis Mazeaud selon laquelle « le label de professionnel n’est pas un antidote à l’inégalité et à l’injustice contractuelles » . Le projet ne tire toutefois que peu de conséquences de la distinction , le régime légal du contrat d’adhésion se limitant à l’article 1193 du projet au terme duquel, en cas d’ambiguïté, le contrat de franchise s’interprétera à l’encontre du franchiseur.
Transparence dans la formation du contrat. – Bien plus ambitieux et novateur semble l’article 1103 du projet, qui étend le domaine de la bonne foi à la période précontractuelle, en affirmant avec force : « Les contrats doivent être formés et exécutés de bonne foi ». Si, là encore, la solution était déjà pour l’essentiel acquise en jurisprudence , sa consécration légale au fronton du droit des contrats est de nature à faire impression. L’apport de ce texte, dont le principe est encore repris par l’article 1111 al. 1er in fine du projet, dépendra en vérité de ce que la jurisprudence mettra derrière le standard légal de bonne foi. Si cette consécration légale s’accompagne d’une « densification normative de la période précontractuelle » , on pourrait imaginer que l’obligation de bonne foi impose une véritable coopération précontractuelle. Le franchiseur pourrait alors être tenu de livrer au futur franchisé l’ensemble des renseignements en sa possession et présentant un intérêt pour ce dernier, y compris au-delà de ses obligations légales traditionnelles. L’article 1129 du projet semble toutefois inciter à une lecture moins audacieuse des articles 1103 et 1111, dans la mesure où l’obligation d’information est limitée par ce dernier texte aux « information[s] dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre [partie] ». Le projet de réforme ne scelle donc pas l’avènement d’une transparence totale et totalitaire au stade des pourparlers, mais pourrait néanmoins significativement alourdir les obligations pesant sur la tête de réseau à ce stade. On sait notamment que, comme suite à l’arrêt rendu par la chambre commerciale le 4 octobre 2011 , beaucoup de franchiseurs s’abstiennent désormais de communiquer au futur franchisé les prévisionnels en leur possession, de peur de voir le contrat ultérieurement annulé sur le fondement de l’erreur dans l’hypothèse où ceux-ci se révéleraient erronés. Si le projet de réforme venait à être adopté en l’état, une telle attitude serait, en tant que telle, susceptible d’engager la responsabilité du franchiseur sur le fondement de l’article 1129 al. 2.
Erreur sur la rentabilité. – Cette question de l’adéquation entre les chiffres prévisionnels fournis par le franchiseur et la réalité de l’exploitation ultérieure pourrait par ailleurs connaître de nouveaux développements à raison de la formulation de l’article 1135 du projet qui dispose : « la simple erreur sur la valeur par laquelle, sans se tromper sur les qualités essentielles de la prestation due, un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte n’est pas en soi une cause de nullité ». Si un commentateur du projet de réforme, par ailleurs fin connaisseur du contrat de franchise , estime que l’article 1135 n’est pas de nature à remettre en cause les décisions de 2011 et 2012 , il semble toutefois permis de douter que le franchisé, influencé par des prévisionnels exagérément optimistes, se trompe sur « les qualités essentielles de la prestation due » par le franchiseur. Certes, la rentabilité relève de l’essence du contrat, mais elle n’est pas l’essentiel de la prestation du franchiseur. Dès lors, la nullité du contrat de franchise en pareille hypothèse sera sans doute plus difficile à obtenir demain qu’aujourd’hui, résultat pour le moins paradoxal d’une réforme qui fait de la bonne foi une pierre angulaire du droit des contrats.
Violence économique et renouvellement du contrat. – À l’inverse, les nouvelles règles gouvernant la période précontractuelle obligeront les franchiseurs à une vigilance accrue afin d’éviter les écueils de la violence économique, désormais envisagée par l’article 1142 qui dispose : « Il y a également violence lorsqu’une partie abuse de l’état de nécessité ou de dépendance dans lequel se trouve l’autre partie pour obtenir un engagement que celle-ci n’aurait pas souscrit si elle ne s’était pas trouvée dans cette situation de faiblesse ». L’intérêt de ce texte lors de la conclusion ab initio du contrat de franchise reste probablement limité. En revanche, l’article 1142 pourrait se révéler une arme particulièrement efficace pour les franchisés au moment du renouvellement ou de la renégociation de leurs contrats. Désireux de ne pas perdre les investissements réalisés, les franchisés pourront tenter de démonter qu’ils ont été contraints d’accepter des conditions défavorables afin d’éviter la cessation des relations contractuelles. Sans doute les franchiseurs devront-ils reconsidérer la pratique consistant à faire échec au renouvellement du contrat existant par l’envoi d’un préavis, avant d’entamer les négociations quant à la poursuite des relations, cela d’autant plus que les investissements réalisés par le franchisé n’auront pas intégralement été amortis au terme du contrat initial.
Protection des informations confidentielles. – Enfin, et dans un tout autre registre, l’avènement légal de la bonne foi précontractuelle permettra peut-être d’éviter certains comportements parasites de prétendus candidats à la franchise, tentés de glaner, à la faveur d’un simulacre de négociation, certaines informations confidentielles, tenant notamment au savoir-faire. Plus que nul autre, les franchiseurs auront donc tout intérêt à se saisir de l’article 1112 du projet, au terme duquel « celui qui utilise sans autorisation une information confidentielle obtenue à l’occasion des négociations engage sa responsabilité extracontractuelle ». À défaut de formalisation d’un avant-contrat, la tête de réseau aura donc un intérêt accru à identifier et à matérialiser la confidentialité des documents transmis au stade des pourparlers afin de faciliter la sanction de leur éventuel usage frauduleux sur le fondement de l’article précité.
B. L’équilibre dans le contenu du contrat de franchise
Coopération renforcée. – C’est sans doute au stade de la rédaction du contrat que l’impact de la réforme à venir sera le plus fort. Là encore, le projet insuffle un vent de solidarisme contractuel, particulièrement propice à la partie considérée comme faible. D’aucuns ont ainsi pu imaginer que l’instauration de la bonne foi comme véritable principe directeur du droit des contrats favorise encore l’obligation de coopération des parties au contrat de franchise. Le Professeur Dissaux espère par exemple que l’article 1195 (qui n’est autre que la reprise de l’actuel article 1135 du code civil) autorise la jurisprudence à découvrir une « obligation de transparence » au sein du contrat de franchise, obligeant par exemple le franchiseur à « rendre compte des sommes prélevées au titre de la redevance publicitaire afin que le franchisé sache précisément à quelles actions elles ont été employées » .
Sanction des clauses abusives. – De façon plus immédiate, l’une des innovations les plus marquantes réside dans l’article 1169 du projet qui transpose en droit commun la sanction des clauses abusives, désormais bien connue des consuméristes : « une clause qui crée déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat peut être supprimée par le juge à la demande du contractant au détriment duquel elle est stipulée ». Les rédacteurs de contrats de franchise sont toutefois déjà familiarisés avec cette exigence d’équilibre, inscrite depuis 2008 à l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce. Au contraire de ce dernier texte, qui ne prévoit que la mise en jeu de la responsabilité du stipulant, l’article 1169 prévoit explicitement l’éradication de la clause litigieuse. La jurisprudence a d’ores et déjà offert un certain nombre d’exemples de clauses pouvant être considérées comme abusives, dont certaines se retrouvent dans nombre de contrats de franchise : clause pénale (à l’égard de laquelle se posera, si le projet est adopté en l’état, la question de l’articulation des sanctions fulminées par les futurs articles 1169 et 1231-5), clause résolutoire , clause de reprise des invendus , indemnité de résiliation , clause d’exclusivité et de non-concurrence , ou encore clause limitative de responsabilité . La liste aura sans doute vocation à s’allonger encore, si les plaideurs disposent non plus d’un mais de deux fondements pour parvenir à l’éradication des clauses intrinsèquement déséquilibrées. Gageons toutefois que les juridictions sauront faire preuve de la même mesure dans l’application du futur article 1169 que celle qui a été la leur s’agissant de l’article L. 442-6, I, 2° .
Atteintes aux libertés fondamentales. – Cela est d’autant plus probable qu’un autre texte, moins remarqué, sera probablement aussi efficace à l’égard des clauses les plus controversées dans les contrats de franchise. L’article 1102 al. 2 dispose en effet que « la liberté contractuelle ne permet pas de […] porter atteinte aux droits et libertés fondamentaux reconnus dans un texte applicable aux relations entre personnes privées, à moins que cette atteinte soit indispensable à la protection d’intérêts légitimes et proportionnée au but recherché ». Les contrats de franchise regorgent de clauses potentiellement soumises aux fourches caudines de ce texte. On pense bien évidemment, en premier lieu, aux clauses de non-concurrence et clauses de non-réaffiliation, mais celles-ci sont déjà soumises aux exigences posées par le futur article 1102 . Il se pourrait toutefois que le champ d’application de l’article 1102 soit bien plus vaste : une clause de confidentialité ou clause de non-sollicitation ne sont-elles pas également attentatoires à la liberté d’entreprendre ? Une clause de partage du fichier-client de même qu’un pacte de préférence ou un droit de préemption ne sont-ils pas des restrictions apportées au droit de propriété du franchisé ? Tout comme en matière de déséquilibre significatif, il reste à espérer que la jurisprudence s’empare avec parcimonie de l’arme redoutable que pourrait lui conférer le futur article 1102 du code civil. Quoiqu’il en soit, équilibre, proportionnalité et loyauté risquent fort de devenir les maîtres mots de la négociation, de la conclusion et de la rédaction des contrats de franchise.
II. La réforme du droit des contrats et la pérennité du contrat de franchise
De façon quelque peu paradoxale, alors que d’aucuns avaient dénoncé un affaiblissement du lien contractuel , il semble permis de trouver dans le projet quelques raisons d’espérer. Entre les parties, les aménagements et innovations introduits devraient, dans l’ensemble, et si l’on excepte les craintes que peut faire naître la section sur l’inexécution du contrat, favoriser une meilleure stabilité du lien contractuel (A). Le projet est en revanche beaucoup plus timoré s’agissant des relations entretenues entre les parties et les tiers, où aucune évolution majeure ne semble être à l’ordre du jour, alors que cette question paraît cruciale pour les réseaux de franchise (B).
A. La pérennité du lien contractuel entre les parties
Disparition de la cause et réalité du savoir-faire. – Abondamment débattue, l’absence de la notion de cause au sein du projet de réforme ne devrait toutefois pas engendrer de bouleversements majeurs, la notion de « contenu du contrat » remplissant sensiblement les mêmes fonctions. La fréquence du contentieux portant sur l’existence de la cause du contrat de franchise incite toutefois à un examen approfondi de cette question. On sait en effet que la mise en doute de la réalité du savoir-faire transmis par le franchiseur est un argument prisé des franchisés, qui y voient un moyen de contester, en demande ou à titre reconventionnel, la validité du contrat sur le fondement de l’article 1131 du code civil. L’existence d’une contrepartie aux obligations du débiteur comme condition de validité du contrat n’est pas abandonnée par le projet, dont l’article 1167 prévoit qu’« un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire ». Si l’esprit demeure, le changement terminologique pourrait ne pas être anodin. Il est en effet communément admis que la cause de l’obligation du franchisé n’est autre que la mise à disposition du savoir-faire par le franchiseur. Dès lors, l’inexistence ou le manque de sérieux du savoir-faire a pour corollaire logique la nullité du contrat de franchise . Le terme de contrepartie employé par le projet autorise peut-être une vision plus large du rapport contractuel, voire de l’économie globale des relations entre les parties. La mise à disposition de la marque, de l’enseigne, la formation, l’assistance, la publicité sont autant de « contreparties » qui permettront peut-être aux franchiseurs de soutenir que l’ensemble de ces prestations forme une contrepartie non illusoire et non dérisoire aux obligations du franchisé, quoique la réalité et l’originalité du seul savoir-faire puissent apparaître contestables. On observera par ailleurs que, conformément à une jurisprudence établie , la nullité du contrat ne peut être encourue qu’à condition que celui-ci soit dépourvu de contrepartie pour l’une des parties dès sa formation. En d’autres termes, le savoir-faire qui disparaîtrait ou viendrait à devenir obsolète au cours de l’exécution du contrat ne saurait entraîner la nullité de celui-ci, mais simplement sa caducité, ainsi que le prévoit expressément l’article 1186 du projet.
Indivisibilité de la relation d’affiliation. – Ce dernier texte présente par ailleurs un autre intérêt au regard du contrat de franchise puisqu’il dispose en son second alinéa que la caducité est encore encourue « lorsque des contrats ont été conclus en vue d’une opération d’ensemble et que la disparition de l’un d’eux rend impossible ou sans intérêt l’exécution d’un autre ». L’indivisibilité ainsi instaurée pourra être d’un certain secours aux franchisés liés à la tête de réseau par de multiples contrats, aux durées et aux échéances différentes ; situation qui, comme l’avait remarqué l’Autorité de la concurrence , est de nature à rendre la sortie du lien contractuel sinon impossible au moins difficile et onéreuse . La formulation de l’article 1186 al. 2 n’est pas non plus sans rappeler l’article L. 341-1 du code de commerce, issu de la loi Macron , qui entrera en vigueur le 6 août 2016. Si les deux textes répondent à la même difficulté pratique, leur articulation ne manquera pas de susciter des interrogations. Là où l’article L. 341-1 prévoit que la « résiliation » de l’un de ces contrats « vaut résiliation de l’ensemble des contrats », l’article 1186 dispose que la « disparition » de l’un deux entraîne la « caducité » des seconds. Le vocable de disparition est à l’évidence plus large et plus heureux que celui de résiliation, qu’il englobe probablement. Toutefois, les conséquences de l’indivisibilité – caducité pour le code civil, résiliation pour le code de commerce – ne sont pas interchangeables, ce d’autant plus que l’article 1187 du projet prévoit dans une formule assez énigmatique que la caducité « peut donner lieu à restitution ». De lege ferenda, le franchisé aura donc tout intérêt à préférer le droit commun au droit spécial, dont l’utilité pourra être mise en doute.
Renégociation forcée. – Il est enfin difficile d’aborder l’impact de la réforme sur la pérennité du lien contractuel entre les parties sans évoquer l’emblématique introduction de la théorie de l’imprévision. Au terme de l’article 1196 du projet, « si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant ». L’impact de cette disposition sur le contrat de franchise paraît toutefois pouvoir être relativisé dans la mesure où franchisé comme franchiseur acceptent, par hypothèse, les risques inhérents à leur activité économique. Au reste, la survenance de l’imprévision ne débouche que sur une obligation de renégociation ce qui, pour un contrat d’intérêt commun, devrait en principe être la règle comme étant de l’intérêt des deux parties.
Sanctions de l’inexécution. – La section consacrée à l’inexécution du contrat est en revanche de nature à soulever quelques craintes quant à la stabilité du lien contractuel. Certes les articles 1219 et 1220 ne font que codifier les règles prétoriennes relatives à l’exception d’inexécution. Néanmoins, à l’égard du contrat de franchise, tout comme d’ailleurs en matière de baux, c’est avec la plus grande des circonspections que la jurisprudence accueillait l’exception d’inexécution , souvent invoquée par les franchisés pour justifier un défaut de paiement des redevances . Il faut espérer que cette politique jurisprudentielle demeure, faute de quoi l’article 1219 ouvrira la voie à de nombreuses contestations purement dilatoires. De même, l’article 1226 du projet, systématisant la possibilité résiliation unilatérale extrajudiciaire par voie de notification peut faire craindre certains abus, tant de la part des franchisés que des franchiseurs.
B. La pérennité du lien contractuel vis-à-vis des tiers
Opposabilité du réseau. – La section consacrée aux effets du contrat à l’égard des tiers aurait pu être l’occasion de la consécration d’une véritable opposabilité du réseau de franchise. Il faudra, semble-t-il, se contenter du timide article 1201 au terme duquel « les tiers doivent respecter la situation juridique créée par le contrat ». La formulation ne semble guère remettre en cause les solutions dégagées par la jurisprudence à propos de la tierce complicité de la violation d’une obligation de revente hors réseau ou d’une obligation de non-concurrence . En dépit de la formulation plus nuancée du principe de l’effet relatif des contrats par l’article 1200 du projet, rien ne semble de nature à rendre plus favorable la situation des réseaux de franchise face aux attaques des tiers.
Circulation du contrat de franchise. – Une lueur émane toutefois de l’article 1340 qui entérine expressément le mécanisme de la cession de contrat. Cette consécration apparaît particulièrement bienvenue, notamment dans l’intérêt du franchisé. Le formalisme de l’opération est allégé, l’assujettissement aux formalités de l’article 1690 exigé par la jurisprudence étant abandonné. Sans surprise, la cession du contrat nécessite néanmoins l’accord du cocontractant, que le contrat soit ou non conclu intuitu personae. Les décisions rendues en la matière semblent ainsi confortées , le franchiseur ne pouvant céder sa position contractuelle sans l’accord du franchisé, y compris dans le cadre d’opérations de restructuration telles une fusion-absorption, une scission ou un apport partiel d’actif. On notera toutefois que l’article 1340 demeure muet quant à la possibilité d’un accord anticipé du cocontractant quant à la perspective de la cession du contrat par son partenaire. Il est fort probable que les franchiseurs continuent de recourir à ce type de clauses, que d’aucuns ont pu qualifier de blanc-seing , et dont la validité est timidement admise par les juges . S’agissant du franchisé en revanche, un tel accord anticipé quant au principe de la cession semble plus qu’improbable, si bien qu’il conviendra en cas de cession du contrat d’obtenir l’accord du franchiseur non seulement quant au principe de la cession, mais également quant à la libération du franchisé-cédant de ses obligations. À défaut, ainsi que le précise l’alinéa 3 de l’article 1340 du projet, celui-ci demeurerait « garant des dettes du cessionnaire ».