Chacun sait qu’un contrat de franchise n’est pas un contrat de licence. Et pourtant… L’article 520 A, I, a) du code général des impôts instaure un droit spécifique sur les bières, autrement dénommé droit d’accises. Les « petites brasseries indépendantes » bénéficient néanmoins d’une réduction de ce droit, étant précisé que l’article 4§2 de la directive 92/83/CEE du 19 octobre 1992 (transposé à l’article 178 0 bis A de l’annexe III du CGI) définit ce qu’il faut entendre par l’énigmatique expression « petite brasserie indépendante » : « une brasserie qui est juridiquement et économiquement indépendante de toute autre brasserie, qui utilise des installations physiquement distinctes de celles de toute autre brasserie et qui ne produit pas sous licence ». On l’aura compris, c’est cette dernière condition qui faisait débat dans l’arrêt rapporté.
La Brasserie Bouquet produisait en l’espèce sa propre bière et avait conclu pour ce faire une convention baptisée « contrat d’affiliation au Cercle des 3 brasseurs » par laquelle un tiers l’autorisait à utiliser ses marques, enseignes et savoir-faire en contrepartie du respect des obligations figurant dans « la bible du Cercle des 3 brasseurs » ; pour le dire en un mot, un contrat de franchise. Procédé habile qui avait permis à la Brasserie Bouquet de convaincre les juges du fond qu’il n’y avait là rien qui ne ressemblât de près ou de loin à un contrat de licence, cette formule contractuelle étant parfaitement distincte de la franchise, unique qualification envisageable en l’espèce. Cet astucieux camouflage juridique n’a cependant pas convaincu la Cour de cassation qui, après question préjudicielle à la CJUE (CJUE, 4 juin 2015, C-285/14), estime que ledit contrat doit bien être qualifié de contrat de licence au sens du texte susvisé.
Les finances de l’Etat sont ainsi préservées d’un trop aisé contournement de la règle fiscale. Les qualifications en droit de la distribution n’en sont pas pour autant sacrifiées, tant il ne paraît pas impossible d’affirmer que la qualification de contrat de licence est incluse dans celle de contrat d’affiliation ou de franchise, le premier n’étant qu’un démembrement du second (v. en ce sens A. Riéra, Contrat de franchise et droit de la concurrence, LGDJ, 2015, n° 15).